Pourquoi tant d’adolescents trouvent-ils si difficile de se pencher sur leurs devoirs, préférant souvent des activités moins exigeantes et plus immédiatement gratifiantes ?
Qu’est-ce qui se cache derrière ce manque de motivation apparemment universel chez les jeunes à se consacrer à leurs devoirs à la maison? Une lassitude ? Une trop exigence de l’école ?
La réponse à ces questions nous amène à nous interroger sur mécanismes psychologiques qui régissent le comportement humain, oscillant entre la recherche du plaisir et l’évitement de la
douleur. Comment ces forces opposées influencent-elles l’approche des adolescents vis-à-vis de leurs obligations scolaires ?
La douleur, dans ce contexte, n’est pas physique, mais émotionnelle et cognitive, une expérience d’inconfort face à la perspective des révisions, des devoirs perçus comme ardus.
Mais quels sont les facteurs qui exacerbent cette sensation de douleur ? Est-ce la peur de l’échec, le sentiment d’incompétence, ou la perception d’une montagne de travail insurmontable qui pousse les adolescents à fuir leurs responsabilités scolaires ? Et comment le cerveau, dans sa quête évolutive de bien-être, guide-t-il le comportement de ces adolescents qui ont du mal à se mettre au travail ?
Auteur & texte : le collectif des 7 profils d’apprentissage
Le manque de motivation d'un enfant adolescent à se mettre au travail pour ses devoirs : une question de douleur et de plaisir
L’adolescence, cette période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, est souvent décrite comme un tourbillon d’émotions et de changements. Les adolescents se retrouvent à naviguer dans un monde où leur corps et leur esprit subissent des transformations profondes, où les relations sociales prennent une nouvelle dimension et où les attentes scolaires atteignent des sommets inégalés. C’est une époque de découverte de soi, mais aussi de confrontation à des défis qui semblent parfois insurmontables.
Parmi ces défis, la motivation à se consacrer aux devoirs scolaires est une bataille constante, source de frustration et de découragement non seulement pour les adolescents eux-mêmes, mais aussi pour leurs parents et enseignants.
Pour saisir l’essence de ce manque de motivation, il est crucial de comprendre un principe fondamental qui régit le comportement humain : la tendance innée chez l’être humain à éviter la douleur et à rechercher le plaisir. Cette dynamique, profondément ancrée dans notre cerveau, influence grandement notre capacité à faire face aux tâches qui nous sont moins agréables, comme les devoirs scolaires.
Edward Thorndike, avec sa loi de l’effet, a brillamment mis en lumière ce mécanisme. Selon cette loi, les comportements suivis de conséquences agréables tendent à être renforcés, tandis que ceux suivis de conséquences désagréables sont évités. Ainsi, lorsqu’un adolescent associe les devoirs à une expérience négative, son inclination naturelle sera de les fuir, en quête d’activités plus réjouissantes.
Cette réalité se manifeste dans le quotidien des adolescents, où la perspective de passer des heures sur des exercices de mathématiques complexes ou de rédiger une dissertation en histoire peut sembler décourageante. La peur de l’échec, le sentiment d’incompétence, ou simplement l’ennui face à des sujets qui ne les passionnent pas peuvent transformer les devoirs en une source de douleur émotionnelle intense.
Dans ces moments, le cerveau de l’adolescent, guidé par le désir de confort et de satisfaction immédiate, le pousse vers des activités plus plaisantes, qu’il s’agisse de passer du temps avec des amis, de jouer à des jeux vidéo ou de naviguer sur les réseaux sociaux.
Comprendre pour mieux agir
Cependant, reconnaître cette tendance ne signifie pas se résigner à elle ou d’excuser quoi que ce soi.
Au contraire, en comprenant la loi de l’effet de Thorndike, les parents peuvent développer des stratégies pour rendre les devoirs moins douloureux et plus gratifiants. Il s’agit de créer un environnement où les efforts des adolescents sont reconnus et récompensés, où les tâches sont divisées en étapes gérables, et où l’apprentissage devient une expérience positive. En associant les devoirs à des conséquences agréables, on peut progressivement modifier la perception qu’en ont les adolescents, les encourageant à s’engager dans leur travail scolaire non pas par obligation, mais par choix.
L’adolescence est sans doute une période de défis, mais c’est aussi une fenêtre d’opportunité pour enseigner aux jeunes la valeur de la persévérance, de l’autodiscipline et de la gratification différée.
En guidant les adolescents à travers les tempêtes émotionnelles de cette période charnière, en les soutenant dans leurs efforts et en célébrant leurs réussites, nous pouvons les aider à transformer la douleur en plaisir, la réticence en motivation. Ainsi, armés de ces leçons, ils seront mieux préparés à naviguer dans le monde complexe qui les attend, où les défis ne manqueront pas, mais où les récompenses seront d’autant plus douces.
La douleur des devoirs: une réalité pour de nombreux adolescents
Pour de nombreux adolescents, l’idée même de s’asseoir pour faire des devoirs est perçue comme une forme de douleur. Cette douleur n’est pas physique, mais plutôt psychologique et émotionnelle. Elle peut être liée à la peur de l’échec, à la frustration
de ne pas comprendre un sujet, ou encore à la sensation d’être submergé par la quantité de travail à accomplir. Le cerveau, dans sa quête constante de bien-être, cherche naturellement à éviter ces sensations désagréables. Ainsi, face à la perspective de faire des devoirs, l’adolescent peut ressentir une forte répulsion, le conduisant à procrastiner ou à éviter complètement la tâche.
Le plaisir comme force opposée
En parallèle, le cerveau des adolescents est particulièrement réceptif aux expériences plaisantes, qui libèrent des neurotransmetteurs comme la dopamine, associée à la sensation de plaisir. Les activités ludiques (tout particulièrement l’attrait des écrans par la puissance des jeux vidéo ou des réseaux sociaux), les interactions sociales, voire la consommation de contenus numériques, peuvent ainsi devenir des sources de gratification immédiate bien plus attrayantes que les devoirs. Ces activités plaisantes offrent une échappatoire à la douleur évoquée précédemment, renforçant le cycle de l’évitement des devoirs.
Stratégies pour réduire la douleur
Dans la période parfois délicate de l’adolescence, où chaque jour est une nouvelle découverte et chaque défi semble insurmontable, la perspective de s’asseoir pour affronter un monceau de devoirs peut souvent sembler aussi redoutable qu’une montagne à escalader sans corde. C’est dans ces moments de découragement que la douleur de l’effort académique pèse lourdement sur les épaules fragiles de nos jeunes. Pourtant, au cœur de cette tempête émotionnelle, des stratégies empreintes de douceur et de compréhension peuvent allumer une lueur d’espoir.
Découpage des tâches : Diviser les devoirs en petites parties peut rendre la tâche moins intimidante et aider à surmonter la procrastination.
Imaginez un jeune face à un projet colossal, ses yeux reflétant la peur de l’inconnu. Le découragement le guette, prêt à engloutir sa motivation. C’est ici que le découpage des tâches intervient tel un phare dans la nuit. En brisant le travail en petites étapes, chaque partie devient une victoire en soi, un pas de plus vers le sommet. Cette méthode transforme l’angoisse en une série de défis accessibles, rendant la montagne moins intimidante. Chaque petite tâche accomplie est une bouffée d’air frais, un renforcement positif qui pousse l’adolescent à continuer, lui montrant que, pas à pas, il peut conquérir n’importe quelle épreuve.
Environnement propice : Créer un espace de travail agréable et exempt de distractions peut diminuer la résistance à se mettre au travail.
Au milieu du chaos quotidien, la création d’un espace de travail dédié, où le calme et l’ordre règnent, est comme construire un espace de tranquillité qui apaise le stress et l’excitation accumulée durant la journée. Cet espace, exempt de distractions, devient un sanctuaire où l’adolescent peut se concentrer, loin des tempêtes émotionnelles et des sollicitations constantes du monde extérieur. Portable éteint et loin de tout objet de distraction, l’esprit devient plus léger, chaque pensée plus claire. L’environnement lui-même devient un allié, réduisant la résistance à se mettre au travail et invitant à la sérénité et à la concentration.
Compréhension et soutien : L'accompagnement par les parents ou les enseignants pour clarifier les points de confusion peut réduire l'anxiété liée à l'échec.
Face à l’immensité de leurs doutes et de leurs peurs, les adolescents cherchent souvent une main secourable, un guide pour les aider à démêler les fils emmêlés de leurs pensées.
L’accompagnement bienveillant des parents et des enseignants, leur patience et leur capacité à éclaircir les zones d’ombre, sont d’un grand réconfort et font du bien.
Parfois vous aurez peut-être l’impression que votre patience produit bien peu d’effet. C’est une erreur. Même si elles ne feront pas tout, la patience alliée à la bienveillance évitent au pire d’aggraver les la situation, aux mieux de l’améliorer.
Savoir qu’ils ne sont pas seuls dans leur lutte, que quelqu’un croit en eux et est prêt à les soutenir, peut transformer radicalement leur perception de l’échec chez l’adolescent. Ce n’est plus un gouffre sans fin, mais une étape sur le chemin de l’apprentissage. La présence rassurante des parents, qui ne se matérialise pas forcément par de l’aide au devoir, crée un environnement émotionnel sécurisant, où l’adolescent peut exprimer ses doutes sans crainte, apprenant à voir chaque erreur non comme un échec, mais comme une leçon précieuse.
Une écoute bienveillante (sans forcément apporter des réponses aux questions de l’adolescent), empreintes d’empathie et de soutien, tisse ensemble un filet de sécurité émotionnelle autour de l’adolescent. Elles lui rappellent que, même dans les moments les plus compliqués, il peut se reposer sur la présence et le soutien de ses parents.
En transformant la douleur en possibilité, la peur en courage, elles ouvrent la porte à un monde où les devoirs ne sont plus une corvée, mais une opportunité de croissance et de découverte de soi.
Stratégies pour augmenter le plaisir
Récompenses : Mettre en place un système de récompenses pour la complétion des devoirs peut renforcer positivement l'effort.
Imaginez un instant que chaque effort, chaque heure passée sur un devoir difficile, ne soit pas seulement un pas vers l’accomplissement d’une tâche, mais aussi vers l’obtention d’une récompense concrète.
Mettre en place un système de récompenses pour la complétion des devoirs, c’est comme semer des graines d’encouragement sur le chemin de l’apprentissage.
Chaque graine germe et grandit avec l’effort fourni, offrant finalement une fleur de satisfaction et de reconnaissance.
Cette approche transforme la perspective de l’élève sur le travail scolaire, le faisant passer d’une corvée redoutée à une quête de petits cadeaux successifs où chaque effort est valorisé et récompensé.
Cela n’a l’air de rien, mais c’est diablement efficace.
Apprentissage actif : Encourager des méthodes d'apprentissage plus interactives et ludiques peut rendre le travail scolaire plus engageant.
L’apprentissage actif, c’est comme introduire de la couleur dans un tableau initialement terne et monotone. Encourager des méthodes d’apprentissage plus interactives et ludiques, c’est inviter chaque élève à prendre le pinceau et à contribuer à l’œuvre collective de la connaissance. Que ce soit à travers des jeux éducatifs, des projets de groupe, ou des expériences pratiques, cette approche rend le travail scolaire vivant et engageant. Elle éveille la curiosité, stimule l’imagination et encourage la collaboration. L’apprentissage devient une exploration, une aventure où chaque découverte est une touche de couleur ajoutée au tableau, rendant l’ensemble plus riche et plus vibrant.
Célébration des progrès : Reconnaître et célébrer chaque petit succès peut augmenter la motivation intrinsèque et la satisfaction personnelle.
Nous avons parlé des récompenses. La reconnaissance est peut-être bien plus importante, et surtout il ne coûte rien.
La célébration des progrès, c’est reconnaître que chaque pas en avant, si petit soit-il, est une victoire dans le processus de l’apprentissage. C’est offrir des applaudissements qui résonnent non seulement dans la salle de classe, mais aussi dans l’esprit de l’adolescent.
Ces moments de reconnaissance sont de vrais rayons de soleil pour des jeunes empreints de doute et d’incertitude. Ils renforcent la confiance en soi, nourrissent la motivation intrinsèque et transforment l’expérience éducative en une série de moments joyeux et satisfaisants. Pour l’enfant, savoir que chaque effort est vu, que chaque progrès est apprécié, c’est recevoir un cadeau inestimable : la conviction que son travail a de la valeur, que son voyage est important.
Cependant il y a un principe important : celui de la sincérité. Même à l’adolescence, les jeunes ressentent tout et beaucoup plus que les adultes, car leur esprit n’est pas encore formaté par le raisonnement logique et froid du mental qui coupe des ressentis.
Ces stratégies pour réduire la douleur de l’apprentissage ne sont pas de simples techniques pédagogiques ; elles sont la source d’une approche éducative qui cherche à élever, à inspirer et à célébrer.
Pour conclure
Le manque de motivation des adolescents à se mettre au travail pour leurs devoirs est un défi complexe, enraciné dans la biologie même de leur cerveau.
Rien n’est contre vous, même si des limites sont à fixer. Tout est une question de subtil dosage.
En comprenant la tendance naturelle à fuir la douleur et à rechercher le plaisir, les parents, et les adolescents eux-mêmes peuvent développer des stratégies efficaces pour transformer la corvée des devoirs en une expérience plus positive. En fin de
compte, il s’agit d’équilibrer la douleur et le plaisir, non seulement pour améliorer la motivation scolaire, mais aussi pour enseigner aux adolescents des compétences de gestion émotionnelle et de discipline personnelle qui leur serviront tout au long de leur vie.
Références et études
- Chapitre premier – L’apprentissage ou « learning » [1] sur Cairn.info, qui aborde la loi de l’effet par la motivation selon Thorndike parmi d’autres théories d’apprentissage. Vous pouvez le consulter – https://www.cairn.info/la- formation-continue-des-adultes–9782130381136-page-57.htm
- Béhaviorisme (ou comportementalisme) – Perscol, qui présente une description scientifique du comportement incluant les travaux de Thorndike et la loi de l’effet. Disponible – https://www.perscol.fr/professionnel/sinformer/wiki/behaviorisme-ou-comportementalisme/
- VI. L’effet de la récompense différée sur l’apprentissage – Persée, un article qui explore les recherches de Thorndike sur la loi de l’effet et son intensité et mode d’action. Consultez le – https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1933_num_34_1_29868
- La loi de l’effet de Thorndike | Définition et exemples | Britannica
- La loi de l’effet de Thorndike, dans le comportement animal et le conditionnement, est le postulat développé par le psychologue américain Edward L. Thorndike en 1905, qui soutenait que les comportements suivis de conséquences agréables sont plus susceptibles d’être répétés. Pour plus d’informations, consultez Britannica.- https://www.britannica.com/science/Thorndikes-law-of-effect
- Analyse de la loi de l’effet de Thorndike : La question du stimulus…
- Dans l’un des articles de Thorndike, une expérience impliquait… Edward L. Thorndike : La connexionniste sélective… Recherche actuelle et théorie. Pour une lecture approfondie, PubMed Central – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1284755/pdf/jeabehav007200300447.pdf
- La loi de l’effet
- LA LOI DE L’EFFET. Par EDWARD L. THORNDIKE, Teachers College, Columbia University. La prétendue loi de l’effet, selon laquelle ce qui suit une connexion a un impact sur elle, est discutée en détail. – https://www.jstor.org/stable/1415413