Dernière modification le 1 janvier 2018 par jeff

Qu’est-ce que l’hyper-éducation ? Peut-elle être une cause d’échec scolaire ?

Par Jean-François MICHEL

( Auteur « Les 7 profils d’apprentissage » Ed.Eyrolles 2005, 2013 )

Selon un sondage Sofrès pour le Parisien, les parents sont préoccupés avant tout par les résultats scolaires de leurs enfants avant même la qualité des relations familiales, leur épanouissement ou leur hygiène de vie. Interrogés sur ce qui les préoccupe le plus au quotidien, les parents sont 53% à citer en premier les résultats scolaires des enfants. Vient ensuite la qualité des relations que l’enfant entretient avec sa famille pour 12% d’entre eux. Finalement, quoi de plus normal de vouloir la réussite scolaire de son enfant ?

Les dangers de trop vouloir bien faire

Pourtant, les parents qui recherchent trop la réussite de leurs enfants (avec une forte tendance obsessionnelle) risquent bien d’obtenir des résultats décevants. Il est vrai que dans notre société, guidée par la performance, la compétition, avec en toile de fond le spectre du chômage, il est facile pour les parents de tomber dans le travers de cet extrême : celui de la performance chez leurs enfants, du toujours plus, avec l’intention louable d’assurer un avenir professionnel. Mais ne vaut-il pas mieux en faire trop que pas assez ? C’est une croyance assez répandue qui s’avère bien fausse. Il est préférable de laisser s’amuser un enfant plutôt que lui imposer un rythme de devoirs et d’activités soutenu. De nombreuses études en psychologie ont démontré que les adolescents ayant des familles où la pression de « l’excellence » est forte connaissent un taux de dépression et d’anxiété très supérieur à la moyenne. La pression des bons résultats et le stress généré peuvent conduire vers la spirale de l’échec scolaire et créer les conditions du dégoût des études et de l’école. Bref, on obtient l’effet inverse de celui recherché.

Cette hyper-éducation (hyper-parenting en anglais) est un phénomène qui prend de d’ampleur aux États-Unis. Depuis que les couples ont moins d’enfants (un ou deux) et que les familles deviennent de moins en moins nombreuses, les parents concentrent davantage leur attention sur l’éducation de leur progéniture. Richard Koestner, professeur au Département de psychologie de l’Université McGill, et Isabelle Gingras, docteur en psychologie de l’Université de Stanford, travaillent sur ce phénomène d’ hyper-éducation.

Faut-il alors prôner un certain laisser-aller dans l’éducation ? Bien sûr que non. En fait, tout est une question de dosage. Il est nécessaire, par moments, d’insister et de faire pression sur l’enfant pour que les devoirs soient faits pour le lendemain par exemple. Encourager à s’engager dans une activité extra-scolaire ne peut être que bénéfique. Mais il ne faut pas que cela tourne à l’obsession.

Richard Koestner s’interroge plutôt sur les répercussions de l’hyper-éducation sur l’équilibre de la vie familiale : « Personnellement, je m’inquiète du fait que l’hyper-éducation déséquilibre la vie des parents. Certains peuvent se retrouver à négliger leur vie de couple, leurs amis ou leur propre développement personnel parce qu’ils sont trop occupés à faire tout leur possible pour maximiser le potentiel de leur enfant ».

Sous quelle forme se manifeste l’hyper-éducation ?

L’hyper-éducation se caractérise principalement par les trois points suivants :

  1. . Un investissement excessif des parents qui conduit à une sur-implication : concrètement, c’est s’attacher à régler la vie de l’enfant jusque dans les moindres détails, comme par exemple celui de choisir les copains et copines (ce qui ne veut pas dire qu’il faille être négligeant sur les types de fréquentations) et amener l’enfant à s’allier d’amitié avec tel ou tel autre enfant.
  2. Un surnombre d’activités extra-scolaires chez l’enfant (hyperactivité). Par exemple, dès la sortie de l’école Nathalie se rend à son cours de piano, et cela 3 fois par semaine. Les autres jours c’est la natation agrémentée d’un programme intensif d’entraînement le mercredi pour être suffisamment performante le jour des compétitions. Enfin, le week-end c’est la fréquentation d’un club d’échecs qui ne peut être que salutaire pour le développement intellectuel. Les parents de Nathalie sont, certes, animés de bonnes intentions pour leur fille. Pourtant ils ne s’aperçoivent pas qu’ils sont en train de la surcharger et de la fatiguer par une pression constante exercée par ses multiples activités. Mais attention ! Cela est tout autre chose si c’est l’enfant lui-même qui est demandeur, soit par passion, soit par la nécessité de se défouler pour vider son trop-plein d’énergie.
  3. Une protection exagérée des parents, c’est le syndrome de la mère poule. À vouloir lui éviter tous les dangers, en réglant tous les problèmes à sa place dans le but louable de le mettre dans les meilleures conditions possibles, l’enfant n’apprend pas ou mal à être autonome. Dans la vie adulte il aura alors bien du mal à surmonter les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur sa route.

L‘hyper-éducation peut-elle conduire à l’échec scolaire ?

Est-ce que le phénomène d’hyper-éducation peut conduire à l’échec scolaire ? On ne peut pas être aussi catégorique. Dans certains cas où l’hyper-éducation amène à un réel mal-être de l’enfant, l’échec scolaire peut en être la conséquence, plus par dégoût des études d’ailleurs. L’échec scolaire trouve souvent sa source dans le manque de confiance en soi de l’enfant. S’il évolue dans un milieu familial où il est surprotégé, les conditions ne seront pas optimales pour bâtir son assurance en lui-même. L’échec sera probablement difficilement surmonté et plus mal vécu par l’enfant, ce qui conduit à un effet pervers : s’il est accidentel au début, l’échec peut vite devenir récurrent.

Quelle est la meilleure attitude ?

Quel remède à l’hyper-éducation ? Le mieux est de s’atteler à rechercher un certain équilibre dans l’éducation: protéger sans trop protéger non plus, encourager les activités extra-scolaires mais laisser aussi l’enfant évoluer à son rythme. Bien sûr, cela est bien plus facile à dire qu’à faire lorsque l’on veut le meilleur pour son enfant.

Mais pas besoin de se culpabiliser non plus. Prendre conscience des effets contre-productifs d’une trop grande pression est déjà un bon rempart. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les parents sont une forte source d’inspiration pour les enfants. Il n’y a rien de mieux pour eux que de voir leurs parents heureux et épanouis. Cela veut dire aussi prendre du temps à la maison pour se décontracter, se ressourcer, se libérer de tout stress.

Si l’on en revient à notre sondage du début, veiller à la qualité de l’épanouissement et à la relation familiale, agrémentés par une bonne hygiène de vie, devrait plutôt devenir une priorité. Les effets ne peuvent être alors que très positifs sur les performances de l’enfant à l’école.

Texte © Jean-François MICHEL

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